La confirmation en Coupe du monde (1958)
Contrecoup de la prise d'amphétamines ou de l'euphorie de la victoire, les premiers matchs de l'après-Coupe du Monde 1954 se révèlent médiocres: l'Allemagne perd 3 matchs d'affilée respectivement contre la Belgique (2-0, c'est la dernière défaite jusqu'à maintenant), la France (3-1) et l'Angleterre (3-1). Mais, il faut l'avouer: Sepp Herberger profite de ces matchs amicaux pour mettre certains cadres au repos (notamment le capitaine Fritz Walter et Hans Schäfer) et donner leur chance à certains jeunes. Parmi ces jeunes, débute en octobre 1954 contre la France, un certain Uwe Seeler, qui n'a même pas 18 ans et qui est déjà titulaire dans son club le Hamburger SV! Uwe Seeler sera pendant près de 16 ans, le grand attaquant de la sélection allemande.

Un jeune Uwe Seeler avec des cheveux contre l'Angleterre en 1954.
Une sélection allemande qui n'impressionne cependant plus grand monde: entre la fin de l'année 1954 et 1957, l'équipe a du mal à enchaîner deux victoires d'affilée et n'a cependant pas beaucoup de difficultés à cumuler les défaites. Il faudra attendre le début de l'année civile 1957 pour voir une équipe d'Allemagne plus conquérante: probablement, l'échéance de la prochaine Coupe du Monde qui se déroule en Suède en 1958. L'Allemagne se doit de défendre son titre de Champion du Monde.
Pourtant, des Champions du monde de 1954, il ne reste pas grand monde. Turek, Laband, Posipal, Mebus, Metzner ont pris leur retraite. D'autres comme Kohlmeyer, (qui mourra quelques années plus tard de son alcoolisme à 49 ans), Bauer, Liebrich, Herrmann, Biesinger, Ottmar Walter, Pfaff, Mai et Kubsch n'ont pas été retenus par Herberger, en raison de leur âge, de leurs mauvaises performances ou simplement, du fait qu'ils n'ont jamais été que des joueurs d'appoint de cette équipe de 1954. Max Morlock, l'un des meilleurs joueurs allemands de l'époque, suite à une blessure, a du observer une pause de plusieurs mois et a perdu sa place en sélection. Bref, de l'équipe de Berne, il ne reste que Horst Eckel, Berni Klodt, Hans Schäfer, Helmut Rahn, Fritz Walter et Heinz Kwiatkowski. Et ce n'est pas forcément gage de qualité, Kwiatkowski n'est qu'un fidèle remplaçant au poste de gardien (juste 4 sélections!), Fritz Walter va sur ses 38 ans et aurait dû prendre sa retraite si Herberger ne l'avait pas convaincu de poursuivre l'aventure; quant à Helmut Rahn, il n'aurait jamais dû être appelé. Banni par la DFB d'équipe nationale pour conduite en état d'ivresse et coups et blessure en 1957, le héros de la finale 1954 verra sa suspension annulée grâce à l'insistance et la persuasion de son mentor Herberger auprès de la Fédération. Au final, seuls Eckel et Schäfer - d'ailleurs nommé capitaine - semblent avoir une vraie légitimité.

Hans Schäfer, nouveau capitaine de la Deutsche Nationalmannschaft
Herberger construit une équipe avec les meilleurs joueurs du moment (dont deux des "Alfredo" de Dortmund: Kelbassa et Schmidt) et notamment, deux jeunes joueurs dont on parlera beaucoup par la suite: Uwe Seeler et Karl-Heinz Schnellinger. Si Seeler à 21 ans, est déjà une tête connue en sélection, Schnellinger, lui, en revanche, à 19 ans, est totalement inconnu: ce défenseur athlétique et blond joue dans un tout petit club, le SG Düren 99. Mais il a tapé dans l'oeil de Helmut Schön, l'assistant de Herberger, qui l'a chaudement recommandé à son chef. Malgré cela, il ne jouera que deux matchs dans le tournoi.

Schnellinger, un look so british...
Un tournoi qui commence bien à Malmö pour les Allemands: confrontés pour la première fois de leur histoire à l'Argentine, les champions du monde en titre remportent le match 3-1. Une victoire qui doit beaucoup à Helmut Rahn qui sur deux frappes lointaines trompent le pauvre Amadeo Carizzo, pourtant l'un des meilleurs gardiens du moment. Mais le match suivant contre la Tchécoslovaquie de Masopust se révèle bien plus compliqué. Les Tchécoslovaques qui ont perdu lors de leur premier match contre l'Irlande du Nord - une équipe qui a déjà fait sensation en se qualifiant pour la Coupe du Monde aux dépens de l'Italie -, se doivent de gagner pour ne pas décrocher dans la poule. Ils ouvrent la marque sur un pénalty de Dvorak à la 24ème minute puis score un deuxième but peu avant la mi-temps. L'Allemagne qui a surtout subi les attaques de son adversaire pendant toute la première mi-temps, se doit de réagir en seconde mi-temps. Et animés par leur combativité, ils inscrivent enfin un but à l'heure de jeu lors d'une action controversée: alors que le gardien tchécoslovaque s'empare d'un ballon aérien, il est chargé par Schäfer et retombe dans ses filets avec le ballon. L'arbitre attribuera le but à Schäfer. C'est encore une fois Rahn qui sauvera les siens d'un tir puissant à la 70ème minute et permettra à l'Allemagne de finir à 2-2.

Rahn, "der Boss", malgré ses déboires, sera encore une fois le héros de la sélection: comme Pelé, il marquera 6 buts lors de la compétition
Le dernier match contre l'Irlande du Nord est décisif pour l'Allemagne et la défaite est interdite. L'Allemagne l'a compris et démarre pied au plancher, mais encaisse un but sur une mauvaise sortie de leur gardien Herkenrath qui se loupe: le ballon finit dans les pieds de McParland qui marque dans le but vide (17'). La réaction des Allemands est immédiate: Rahn file au but et égalise 3 minutes plus tard. Les Allemands dominent la partie, ils ont un nombre incroyable d'occasions et Rahn est intenable mais c'est encore une fois contre le cours du jeu qu'ils se font punir. McParland encore lui, porte le score à 2-1 sur un corner. L'Allemagne ne se laisse pas abattre et Seeler égalise à la 78ème minute. Plus aucune but ne sera marqué et les deux équipes se quittent sur un 2-2 qui fait l'affaire des Allemands: ceux-ci se sont emparés de la première place du groupe et sont qualifiés. A égalité dans le classement, Nord-irlandais et Tchécoslovaques se disputeront la dernière place qualificative dans un barrage qui verra triompher cette décidément étonnante équipe d'Ulster (2-1 après prolongations, avec une nouvelle fois un doublé de McParland!).

Uwe Seeler contre les Nord-Irlandais
Sans spécialement impressionner, les Champions du monde en titre se sont qualifiés et s'apprêtent à affronter la Yougoslavie, un adversaire qu'ils ont déjà battu 4 ans plus tôt en Suisse, au même stade de la compétition. Le match qui se déroule à Malmö est marqué par la maladresse des attaquants allemands devant le but. C'est Helmut Rahn, encore lui, qui débloque la situation à la 12ème minute d'un tir complètement excentré assez improbable, sur lequel la vigilance du gardien yougoslave est assez douteuse. Plus rien ne sera marqué par la suite et c'est donc par le plus petit des scores que l'Allemagne continue son aventure. Et celle-ci l'emmène au tour suivant à rencontrer le pays hôte: la Suède.

Rahn s'échappe et sauve encore la nation contre la Yougoslavie
Même si plusieurs de ses joueurs jouent à l'époque en Série A italienne (notamment son capitaine Niels Liedholm qui est une star au Milan AC), la Suède n'est pas vraiment à l'époque une nation majeure du football. Mais pour l'instant, elle a réalisé un parcours quasiment sans faute, sortant notamment l'URSS de Lev Yachine au tour précédent. L'affiche est donc alléchante entre deux équipes qui ont chacun les moyens d'accéder en finale. Pourtant, tout va déraper.
L'histoire du football n'a jamais fait vraiment grand cas de ce match éclipsé par le parcours du Brésil de Pelé et Garrincha en 1958. En Allemagne, cependant c'est différent: pour beaucoup d'Allemands, ce match est un de ces "Skandalspiele" qui jalonnent leur histoire. En fait, la mémoire allemande retient surtout de ce qu'ils appelleront "der Schlacht von Göteborg" ("la Bataille de Göteborg"), qu'ils se sont fait enfler.
Tout avait déjà mal commencé: le match initialement prévu à Stockholm est déplacé au dernier moment à Göteborg et les Allemands doivent déménager dans l'urgence (on peut penser que ce fut fait exprès pour déstabiliser l'adversaire, le Brésil subira aussi ce désagrément en 1966 en Angleterre). Ensuite, beaucoup de supporters allemands se voient refuser leur place à l'entrée et les 1000 qui arrivent à rentrer ne doivent se contenter que de 60 sièges! Et dans le stade, les cris hostiles et xénophobes envers les Allemands fusent, ce qui provoquera l'ire de la DFB qui parlera pendant un temps de ne plus jamais jouer en Suède.
Mais c'est surtout sur le terrain que le "scandale" va se passer. C'est la 59ème minute, le score est de 1-1: Schäfer a ouvert le score à la 23ème minute et le suédois Skolung a égalisé 10 minutes plus tard. Le suédois Kurt Hamrin commet une faute sur Erich Juskowiak. Celui-ci se venge et se fait expulser. Hamrin lui, reste sur le terrain. L'Allemagne joue à 10 et bientôt à 9: à la 75ème minute, Fritz Walter se fait découper par Parling et blessé, est contraint de sortir. L'arbitre ne bronche pas. A 11 contre 9, c'est plus facile pour des Suédois qui marquent deux buts à la 81ème et 88ème minute et gagnent leur billet pour la finale. En Allemagne, la pilule ne passe pas entre l'accueil exécrable, l'attentat sur Walter et la complaisance de l'arbitre envers les Suédois, qui ont pu faire ce qu'ils voulaient. La polémique est d'autant plus grande que l'arbitre de la rencontre était... hongrois! De là à insinuer que l'arbitre aurait venger ses compatriotes de la défaite en finale de la Coupe du monde 1954, il n'y a qu'un pas... que de nombreux médias allemands franchiront!

Juskowiak a beau protester, il sera expulsé
Pourtant, si ce "scandale" reste assez peu connu hors des frontières allemandes, c'est aussi parce qu'au final, il n'est peut être pas aux yeux d'observateurs neutres si "scandaleux" que ça. Plus magnanime avec les Suédois et peut-être aussi plus lucide, Helmut Rahn déclarera par la suite, que ce qui l'étonnait dans ce match, était que les Suédois aient mis tant de temps à gagner 3-1. Quant à l'incident entre Juskowiak et Hamrin, Rahn dira simplement que de toute façon, même si Juskowiak serait resté sur le terrain, Hamrin (l'un des meilleurs joueurs de l'histoire de la Suède) l'aurait quand même passé plusieurs fois.

Clap de fin pour Fritz Walter.
Pour les Allemands, il ne reste plus que la petite finale contre la France qui, elle aussi, a perdu en infériorité numérique contre le Brésil, 5-2. La France avec son ossature "rémoise" a impressionné les observateurs lors de ce Tournoi: la petite finale s'annonce engagée. D'autant plus qu'aucune des deux équipes ne veut finir quatrième. L'Allemagne privée de Fritz Walter, ne résistera qu'une vingtaine de minutes avant de prendre l'eau: la France s'impose 6-3 et Just Fontaine inscrit un quadruplé qui lui permettront d'atteindre le record historique des 13 buts marqués lors d'une Coupe du Monde.

Schnellinger contre Just Fontaine
Avec 2 victoires, 2 matchs à égalité et 2 défaites, le bilan de l'Allemagne peut paraître assez léger pour un champion du monde en titre. Pourtant, cela suffira à convaincre les observateurs et surtout, le peuple allemand. La victoire de 1954 était encore considérée par beaucoup comme un vrai miracle, une performance sans lendemain. En terminant 4ème de la Coupe du Monde 1958, l'équipe d'Allemagne avait réussi à se maintenir dans l'élite et à montrer au monde du football, qu'elle faisait partie des équipes sur lesquelles il fallait compter. En Allemagne, le parcours de 1958 sera considéré à l'époque comme une réussite exceptionnelle et le sélectionneur, Herberger sera adulé comme jamais.

Déjà champion du monde en 1954, le jeune Horst Eckel prendra sa retraite internationale à l'issue de la compétition... à 26 ans!
Seul perdant de cet histoire: le défenseur Erich Juskowiak, premier joueur allemand expulsé en Coupe du monde. Pointé du doigt par ses propres coéquipiers, viré pour toujours de la sélection, il ne sera plus jamais le même joueur. Conséquence de cet incident ou pas, il sera arrêté pour relation sexuelles sur mineurs en 1962 et exhibitionnisme en 1964...