Le paradoxe Benjamin Pavard vu de France et d’Allemagne
"Il faut sauver le soldat Pavard" … MIA SAN MIA
BUNDESLIGA – Titulaire dans le meilleur club et la meilleure sélection du monde, Benjamin Pavard doit pourtant constamment justifier son statut aux yeux d’une opinion publique très sévère, particulièrement en France. Nous avons tenté de percer ce paradoxe en compagnie de deux spécialistes du poste et du football allemand : Willy Sagnol et Patrick Guillou.
ON A TENDANCE À PENSER QU’ON PEUT TROUVER MIEUX MAIS C’EST FAUX
Willy Sagnol connaît mieux que quiconque la difficulté de percer au Bayern. L’ancien arrière droit, lui aussi, du géant bavarois (277 matches, 4 titres de champion et une C1), nous livre son analyse : « Pavard est bon dans tous les domaines et c’est ce qui lui permet d’avoir signé une excellente première saison, nous confie l’ancien patron du côté droit bavarois et tricolore. Mais il n’a pas une qualité forte qui va dépasser le reste. C’est un joueur très complet. Comme on a du mal à trouver sa qualité première, on a tendance à penser qu’on peut trouver mieux mais c’est faux. »
Guillou continue : « Il n’a pas la même qualité de centre que Sagnol, pas la même agressivité défensive que Lahm, pas la première relance de Kimmich. Et alors ? Merde, on parle d’un joueur qui a gagné la C1 et qui est champion du monde. Ca doit être difficile de se justifier à chaque fois, il n’a rien volé à personne. On lui fait un faux procès. Le jour où il ne sera pas bon, il ne sera plus dans l’équipe. » Mais en France, l’opinion publique est sans pitié avec Pavard. Peut-être parce que, parti très tôt de Lille, il n’a pas connu une grande carrière en Ligue 1, peut-être parce que défenseur à Stuttgart, son profil jurait parmi les stars installées de la campagne russe, peut-être parce qu’il a souffert face à Di Maria, Hazard ou Perisic à la Coupe du monde 2018, peut-être parce qu’il paie le manque de concurrence à son poste.
DÉFICIT D’IMAGE OU DE GLAMOUR
« En Allemagne, il n’est pas remis en cause après chaque mauvais match« , nous informe Florian Bogner, journaliste pour Eurosport de l’autre côté du Rhin. Alors pourquoi ce traitement de faveur dont il se passerait bien en France ? « On est dans une société qui juge plus la forme que le fond, continue Sagnol. Il a peut-être un déficit d’image, de glamour et comme on juge plus la communication que les actes aujourd’hui, on préfère s’extasier sur des joueurs qui n’ont pas le début de la constance d’un Pavard. Ce n’est peut-être pas le meilleur sur le terrain mais Deschamps connaît sa fiabilité. »
Reste que depuis sa blessure à la cheville l’été dernier, il peine à revenir à son meilleur niveau. « Jusqu’à sa blessure, Benjamin était l’un de nos joueurs les plus performants, jugeait son coach Hansi Flick début janvier. Après, il a essayé de nous aider. Il manque actuellement ce dont vous avez besoin pour un arrière droit. La volonté de faire des courses dans son couloir. Il n’a pas encore atteint le niveau de forme physique idéal. » Ce n’est pas un secret, le Bayern a cherché un arrière droit à l’automne et a tenté Sergino Dest, parti finalement au FC Barcelone. C’est finalement Bouna Sarr qui a débarqué en Bavière dans un rôle de doublure. Mais le champion d’Europe cherche toujours une alternative plus offensive à Pavard.
PLUS MAUVAISE NOTE PARMI LES JOUEURS DU BAYERN
« Il est clairement moins en forme ces dernières semaines et le magazine Kicker, une institution en Allemagne, lui a attribué la plus mauvaise note des joueurs du Bayern cette saison« , révèle notre confrère Florian Bogner. « Moi je ne m’inquiète pas pour lui, prévient Sagnol. Il est très régulier, il est rigoureux, réfléchit et travaille dur. Il a un tout petit déficit dans l’impact défensif mais c’est infime et il reste l’un des meilleurs à son poste derrière Alexander-Arnold. Depuis les retraites de Lahm et Daniel Alves, il y a moins de densité au poste d’arrière droit et Pavard reste très constant dans ses performances. »
Au Bayern, après une fin d’année où il a goûté au banc, il a retrouvé sa place de titulaire et joué l’intégralité des deux dernières rencontres de Bundesliga. « Son coach le titille un peu mais il n’est jamais remis en cause parce qu’au Bayern, on a le sens de la famille et on sait reconnaître ceux qui se sont battus pour la patrie, argumente Patrick Guillou. Et puis, hormis Kimmich qui ne veut plus jouer à ce poste, il n’y a personne au-dessus de lui en Bundesliga. » Alors le débat est-il clos ? Jamais vraiment avec Pavard qui devra sans doute jusqu’à la fin de sa carrière affronter ce procès en légitimité.